J'avais rencontré la veille un type qui gagnait sa vie une partie de l'année en escortant des groupes de touristes dans des excursions (un guide quoi).
Sur ses conseils je décide de consacrer mon second et dernier jour sur cette île à l'ascension d'une des montagnes de l'île menant jusqu'au Jômon-sugi, le plus vieux cèdre du Japon.
Il faut compter une dizaine d'heures de marche aller-retour plus quelques heures en car pour rejoindre le point de départ. Du coup lever vers les 4h du mat, le temps de manger un peu, de tasser
boissons et ce qu'il me restait de bouffe dans un sac à dos.
6h et quelques, peu après le départ, déjà ça en jette.
Les premières lueurs de l'aube.
Le lit d'un torrent qui n'est pas sans rappeler une certaine scène de Mononoke.
Des sous-bois verdoyants.
Toute la première partie se fait sur une vieille voie de chemin de fer aménagée pour la marche. Pas très pentu donc mais longue de plusieurs kilomètres.
Des arbres aux formes un peu folles.
Des couleurs automnales qui chatoient.
Après une pause, on attaque la seconde partie de l'ascension et là ça se corse un peu, plus de rails, plus de chemin bien plat, mais un petit sentier qui serpente entre les arbres. Ça reste quand
même très bien aménagé et très praticable, ce qui ne m'empêchera pas de me faire une belle frayeur en glissant sur une racine et en manquant de m'empaler sur une souche déchiquetée. Au final je
m'en sortirai avec un ongle du pouce retourné et quelques sales ecchymoses aux côtes. Ça m'a en tout cas passé le goût de courir sur des racines humides et moussues.
Pour changer.
Une des seules photos de singe pas trop flou que j'ai pu faire.
Ils courent vite ces cons, la plupart du temps tout ce que je voyais c'était un cul qui disparaissait dans la verdure.
Un bassin formé par un petit barrage sur un torrent. L'occasion de piquer une tête dans l'eau fraîche après l'eau bouillante de l'onsen plus tôt dans la journée.
Déjà la fin de la journée et l'heure de redescendre.
D'un côté le coucher de soleil qui pète.
De l'autre la pleine lune qui apparaît au-dessus des montagnes.
Première vraie journée complète sur l'île à base de balade le long de la côte puis dans les terres.
L'occasion d'halluciner un brin en découvrant la végétation. Le climat y est quasiment subtropical ce qui fait qu'on ne croise pas la même flore ni la même faune que dans le reste de l'archipel
(du peu que j'ai pu en voir en tout cas), des lianes, des fougères géantes, des herbes hautes à foison, des fleurs et des araignées flashy, des insectes improbables, des singes...
Et des putain de paysages de furieux (pardon je m'emporte).
On voit assez mal sur cette photo (car je ne me voyais pas vraiment aller photographier de l'autochtone dénudés en gros plan) mais ceci est un onsen, ou source chaude, qui sont plutôt répandus au
Japon (vive le volcanisme).
Là où celui-ci sort un peu du lot, c'est qu'il s'agit d'un "onsen au milieu de la mer" (littéralement). Les bassins où l'on se baigne sont en plein air (donc déjà ça vaut son pesant de sushi),
dans un paysage magnifique avec d'un côté la mer et de l'autre la montagne à quelques centaines de mètres (et là c'est déjà presque trop de tubercule), on s'y baigne à poil (mais ça
c'est pareil dans tous les onsen), c'est tellement pas cher qu'on a presque l'impression de voler quelqu'un, les bassins sont mixtes (ce qui dans les faits se traduit par une occupation
principalement masculine de l'endroit) mais ça donne un petit coté à l'ancienne (avant que la pruderie occidentale ne s'abatte sur le pays) pas désagréable, c'est bon pour la santé, on y croise
des gens ouverts et prêts à discuter (pour peu que vous ne soyez pas dérangé par le fait de discuter avec de parfaits étrangers parfaitement à poil.
Avec un peu de chance vous rentrerez en communion avec la nature environnante et même le petit crabe qui vous remonte la raie de fesses ne vous dérangera plus (toute ressemblance avec des faits
ayant existé ne serait pas complètement farfelue).
Bref ça déchiquette du carcajou au slap chop.
Pour ceux qui se demanderaient, ceci est un carcajou (rien à voir avec Yakushima pour le coup).
Un beau spécimen rouge et jaune fluo de la taille de mon pouce.
Où je suis un peu paumé parmi tous les petits chemins partant en zigzag.
Comme je suis pas la moitié d'une buse, j'ai bien pensé à emprunter à l'auberge un plan de l'île...
en chinois ...
de 10cm sur 10 ...
avec uniquement les routes principales indiquées.
Bref un truc a peu près aussi pratique qu'une carte de la Corse au 1/25000 pour s'orienter à Paris.
En tout cas, le bûcheron sur qui je suis tombé et qui me voyait galérer avec mon plan s'est bien poilé quand il est venu me donner un coup de main. Il finit par me remettre dans le droit chemin,
celui que je voulais prendre, en me déposant gentiment en voiture.
Un arbre qui n'en veut, poussant à même un rocher, sous lequel il fit bon se reposer quelques minutes en contemplant la mer.
Une menthe religieuse croisée sur une petite route serpentant vers la montagne.
Pour vous faire une idée de la taille de la bête.
Une biche en lévitation au-dessus de la route.
L'aventure insulaire miyajimesque m'ayant particulièrement plu et surtout poussé par les conseils de voyageurs japonais croisés en chemin, je mets de bon matin le cap plein sud sur l'île de
Yakushima.
Je n'en connais rien à part les quelques lignes du guide lonely planet trouvé à l'auberge d'Hiroshima et le fait que Miyazaki y aurait trouvé l'inspiration pour la création de Princesse Mononoké.
Difficile de faire plus efficace pour m'attirer quelque part.
Juste pour visualiser, ça se trouve là. Plus au sud c'est Okinawa puis Taiwan.
L'arrivée du train rapide en gare.
L'intérieur dudit train. Autant vous dire que la même la seconde classe vaut largement la première classe d'un TGV. Un golgoth ne s'y sentirait pas à l'étroit (alors des petites vieilles d'1m40,
on pourrait presque en mettre quatre par siège, et j'exagère à peine), en plus d'être énormes, les sièges sont confortables inclinables et pivotants (si vous avez envie de changer de sens pour le
fun), les gosses n'y braillent presque pas, les contrôleurs y font des courbettes au lieu de vous sauter à la gorge puis au portefeuille pour cause de compostage non rectiligne.
Je m'arrête là, je risque de frôler la mauvaise foi.
Si vous avez l'âme d'un aventurier vous pouvez même tenter de vous installer en wagon fumeur. Sensations garanties, vous aurez alors un peu l'impression de rouler à 250km/h dans un cendrier
géant.
Après avoir posé mon sac à l'auberge, ce qui devait être une petite promenade au crépuscule en direction du supermarché (seul point de ravitaillement à des km à la ronde) aperçu en chemin depuis
le car s'est transformé en super-marche nocturne de plus de 2h.
Où je prends conscience que mon appréciation des distances et ma capacité à faire la conversion temps de trajet en voiture/temps de trajet à pied ne valent pas un rouble.
Où je me bénis d'avoir rogné sur tous les budgets lors du reste du voyage ce qui m'a permis de m'offrir le trajet jusqu'ici.
On continue à monter. Objectif, l'observatoire situé en haut du Mont Misen (aussi accessible en téléphérique pour les feignasses), mais même à mi-chemin la vue sur la mer intérieure de Seto est
déjà pas dégueu.
Au sommet.
Alors que j'entamais la descente, j'entends derrière moi la voix d'un petit français :
"Oh, papa, un bambi..."
Quelques photos autour du sanctuaire, mais de nuit et à marée haute cette fois.
On finit cette journée splendide par un petit wateufeuk bienvenu.
Dans les rues commerçantes, au milieu des boutiques de souvenirs et petits gâteaux, je tombe tout à coup nez à nez avec la plus grosse spatule du monde (au moins).